Maroc: Olives et cannabis, quand le Rif kiffe l’olive
Pour rompre avec la culture du cannabis, très rentable dans cette vallée déshéritée, des femmes se lancent dans la production de l’huile et le commerce équitable. Avec la bénédiction de Rabat.
Enfin la pluie est arrivée. Aussi brutale qu’inespérée. Quand Dieu «met les nuages en morceaux», dit une sourate du Coran, «ses serviteurs se réjouissent». Située dans le nord du Maroc, la vallée du Rif est une terre de paysans. La pluie y est accueillie comme une bénédiction, surtout après six mois de sécheresse.
Les habitants ne cachent pas leur soulagement en observant les lourds nuages sombres abreuver enfin les oliviers, aussi secs qu’une armée de momies, accrochés au flanc des terrains en pente. Car il n’y a pas grand-chose qui pousse dans le Rif. Depuis peu, les autorités ont choisi de s’intéresser enfin à cette région souvent rebelle, longtemps maudite. «Il faut valoriser les produits du terroir», répète-t-on à Rabat. Et notamment ces oliviers, véritable manne dont le Maroc ne tire pas assez profit.
La consommation d’huile d’olive est en pleine expansion dans le monde, avec trois millions de tonnes vendues en 2006. Mais le Maroc, deuxième producteur mondial d’olives de table, n’arrive qu’au sixième rang pour l’huile. Dans le Rif, un autre «produit du terroir» a, lui, réussi une fulgurante percée sur le marché mondial : le cannabis.
«C’est un peu tabou»
Le shit marocain n’a guère de concurrent : 80 % de l’herbe consommée en Europe vient du Maroc et plus précisément de cette vallée déshéritée, si proche des portes de la mer, Tanger mais aussi Ceuta et Melilla, enclaves espagnoles ouvertes à toutes les contrebandes. Que pèse l’huile d’olive face à 162 millions de fumeurs de joints à travers le monde ? A Rabat, on n’aime pas trop évoquer ce sujet. «C’est un peu tabou», confesse un fonctionnaire.
«C’est devenu très tendu depuis deux ou trois ans», renchérit Mohammed. Appuyé sur son parapluie comme sur une canne de gentleman, ce jeune homme d’une élégance austère contemple la vallée. Les feuilles argentées des oliviers scintillent jusqu’à l’horizon. «C’est si beau. Mais il faut venir avant le mois 8 [août, ndlr], avant la récolte, explique Mohammed, qui, comme beaucoup de Marocains, désigne les mois par leur chiffre dans le calendrier. Là, les champs de cannabis donnent au paysage ce vert intense, partout entre les oliviers.»
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